L'Odyssée finale (CN I)
C’est aux environs de la ville de Bâle en Suisse, plus précisément à Dornach, qu’a été récemment retrouvée une collection de tableaux laissant perplexe bon nombre d’experts en histoire de l’art. Remisée dans le grenier d’une vieille demeure familiale située au pied du Goetheanum, cette collection serait à priori composée de cinq tableaux. L’épaisse couche de poussière retrouvée sur le tissu qui les protégeait semblerait datée de plus de 150 ans. Les analyses des pigments, des toiles et des cadres confirment que ces tableaux auraient été peints vers la fin du XIXème siècle.
Les tableaux comportent dans leur encadrement une plaque de laiton gravée avec leur nom respectif suivi d’une suite de lettre commune (TCN) et d’un chiffre romain (un à six). Aucune des ces plaques ne portent le chiffre 3. Il semble donc que ces œuvres retrouvées appartiennent à une série composée à minima d’au moins six tableaux. Un ou plusieurs tableaux manqueraient donc à cette série.
Que ce soit sur ces plaques ou sur les tableaux en eux-mêmes, aucune signature n’est apparente. Les analyses par imagerie infrarouge n’ont apporté aucun indice supplémentaire. Le mystère plane donc sur la question de l’auteur. Dans les tableaux retrouvés, l’influence des mouvements romantique et symbolique est flagrante et coïncide avec les dates d’exécution supposées. Un des tableaux est nettement inspiré par la célèbre Ile aux morts d’Arnold Böcklin. Ce dernier serait-il l’auteur de ces cinq tableaux ? Aurait-on découvert une sixième version de l’Ile aux morts ? Les experts pensent plutôt que l’auteur était un contemporain de Böcklin, sans doute un proche ou élève du maître.
Au-delà de l’identité inconnue de l’auteur, c’est véritablement le contenu de ces tableaux qui sème le trouble. La première toile qui porte la nomenclature TCN I s’intitule l’Odyssée finale. On y voit un homme chevauchant un zèbre au milieu d’une étendue d’eau sur laquelle flottent des milliers de bouteilles vides. L’homme, que l’on retrouve dans chacun des cinq tableaux découverts, est vêtu d’une coiffe d’indien d’Amérique du Nord et d’une sorte de smoking noir. Ce qui déconcerte le plus est que son visage est caché sous un masque un gaz. Même si les premiers brevets de masque à gaz sont contemporains de l’œuvre, le modèle représenté serait, d’après les spécialistes, un modèle soviétique utilisé lors de la seconde guerre mondiale.
Mais cet anachronisme n’est ni le seul, ni le plus surprenant. Dans l’Ile aux Djinns (TCN II), les ruines que l’on découvre ne sont pas des ruines d’inspirations vénitiennes comme celles de l’Ile aux morts de Böcklin. Ces ruines ressemblent étrangement à celles de la ville de Pripiat en Ukraine, ville devenue fantôme depuis l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. Ce tableau comporte donc des éléments picturaux peints un siècle avant que la catastrophe de Tchernobyl ne survienne.
Le quatrième tableau de cette série intitulé l’Antre du Golem représente une sorte de bibendum Michelin géant fait de boue. D’après le titre de l’œuvre, ce monstre serait le légendaire Golem. Entouré de part et d’autre par un cortège de nonnes orthodoxes, ce Golem est attaché par une laisse tenue par l’homme au masque à gaz chevauchant là encore un zèbre. Ces deux personnages se tiennent devant un portail doré entrouvert. La peinture symboliste nous a habitués à ce genre de scène paraissant sortie d’un quelconque culte mystique. La curiosité de ce tableau ne vient pas réellement de la scène représentée en elle-même. En s’attardant sur les sculptures du portail doré, on voit apparaître nettement la forme d’un nuage en champignon, scientifiquement appelé pyrocumulus en champignon. Même s’il est vrai que ce genre de nuage est courant lors d’explosion de volcans, il est malheureusement associé aujourd’hui aux explosions atomiques. Les spéculations autour de la nature de ce nuage sont nombreuses et l’étrange rapport avec les ruines de Pripiat de l’Ile aux Djinns renforce certaines théories surréalistes.  
Le Temple est le nom de la cinquième toile. A l’intérieur d’une grotte, on retrouve l’homme au masque chevauchant un zèbre en train de tracter ce qui semble être des nuages. Ces nuages, que certains qualifient de rochers volants, sont constitués de pics ou de stalactites et de projecteurs géants. Au sommet des nuages, on découvre un nouvel anachronisme de taille : des bunkers allemands de la seconde guerre mondiale sur lesquels est peint le symbole de la secte de l’ORDR. Si la date de naissance de cette secte qui perdure encore aujourd’hui reste floue, il est en revanche clairement impossible que l’auteur de ces œuvres ait pu connaitre l’existence d’un bunker en béton armé. Au vu de l’appellation du deuxième tableau de la série, L’Ile aux Djinns, et de la présence du symbole de l’ORDR dans ce cinquième tableau, nombreux sont ceux qui voient dans ces tableaux un lien direct avec la secte connue pour son culte des Djinns.
Armae Vanitae, que l’on peut traduire par la Vanité aux Armes, est à priori le dernier tableau de cette découverte suisse, mais rien ne prouve qu’il n’existe pas d’autres tableaux portant le sigle TCN. Dans cette toile, l’homme au masque à gaz et à la coiffe d’indien n’est plus vêtu que d’un lange autour de la taille.
Un serpent sort d’un de ces yeux. Il est allongé sur une peau de zèbre recouvrant un large lit. Sur cette peau, on peut voir une seringue remplie d’un liquide rouge et une pomme en partie croquée. La tête dorée du lit représente un Paon. Le sol semble jonché de billets verts ressemblant à des dollars américains. Ce tableau est peut être une clef symbolique pour certains initiés. Y a-t-il un rapport avec le mythe d’Adam et Eve ? Le liquide rouge de cette seringue est-il une sorte de Saint Graal ? Pourquoi représenter un sol recouvert de dollars ? Le personnage représenté dans cette scène est-il mort ? Aurait-il succombé à une quelconque arme cachée dans ce tableau ?
Ce ne sont que quelques unes des questions que se posent à la fois les experts en histoire de l’art, les historiens et les scientifiques, mais surtout une communauté d’amateurs férus de telles curiosités. Chaque tableau recèle de trop nombreux paradoxes temporels incompatibles avec leur date d’exécution. Pourtant les scientifiques sont formels : ces œuvres n’ont fait l’objet d’aucunes retouches et ils ont bel et bien été peints à la fin du XIXème siècle. Le sémiologue François Legendre a semble-t-il trouvé un parallèle entre ces tableaux et un poème de Dominique-Alexandre Parodi que l’on retrouve dans son recueil Cris de la chair et de l’âme datant de 1883 :

Cher Nobile,
A bord de mon Zébra Troie, cheval déguisé,
Je suis sur les flots infinis à naviguer
Au milieu des liqueurs blanches empoisonnées,
Observant à l’horizon les aigliens s’envoler.

Face à ce berceau au décor si familier,
Où quatre lettres un jour se sont disputées,
Me voilà pris à quatre pattes encore noyées
Dans l’eau salée de vos sombres larmes oubliées.

Le port de l’île m’accueille de sirènes aux cris gênés
Émergeant des flots sous des nuées de chats ailés.
Je monte vers le temple cyclopéen d’un passé,
Chaque marche me rapprochant des âmes échouées.

Au milieu de milliers de douces sœurs voilées,
Devant l’entrée du temple aux portes dorées,
Je tiens en laisse, devenu passeur sacrifié,
Le Golem, bête immonde, qui se met à danser.

Les très longues prairies caverneuses, éclairées
Des lumières projecteurs de bunkers argentés,
Djinns maudits et gardiens de la grotte sacrée,
Cachent des fourmis sans âge et démesurées.

Très cher Nobel, ton prix les a toutes irradiées.
Il pleut des larmes dans cette chambre oubliée.
Dans le landau d’or remplie d’épées déguisées,
La bête hybride hurle encore sa haine prostrée.
L'Ile aux morts (CN II)
L'Antre du Golem (CN IV)
Le Temple aux Djinns (CN V)
Armae Vanitae (CN VI)
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